Déclaration à propos du début du procès avec jugement immédiat contre quatre anarchistes sous enquête dans l’opération Scripta Scelera
Nous prenons publiquement la parole à l’occasion du début du procès contre Gaia, Gino, Luigi et Paolo, avant tout pour exprimer notre complète proximité à leur encontre. Nous sommes certains que ces mois passés aux arrestations domiciliaires – avec l’isolement imposé par les restrictions, l’interdiction donc de tout contact avec leurs proches les plus chers – ne les ont pas fait plier. En cette période pendant laquelle on nous a éloignés, notre affection pour eux n’a pas disparu.
Nous prenons donc la parole parce que nous voulons réaffirmer notre ferme opposition à la tentative de morceler la procédure judiciaire appelée Scripta Scelera, dans laquelle nous sommes dix prévenus, tous accusés en vertu des articles 270 bis, 414, 270 bis §1 du code pénal (et pour quatre de nous aussi en vertu de l’article 278), pour avoir rédigé, publié et diffusé l’hebdomadaire anarchiste internationaliste Bezmotivny. Cette procédure judiciaire a été caractérisée par deux requêtes, de la part du procureur de Gênes, de détention préventive en prison pour les dix prévenus. Suite à la deuxième requête, de mars 2023, le juge d’instruction a ordonné, en août, neuf mesures de contrôle judiciaire, dont les arrestations domiciliaires avec toutes les restrictions pour les quatre compagnons qui seront jugés aujourd’hui en vertu des articles 414, 270 bis §1 et 278 du code pénal, ainsi que l’interdiction de sortir de la commune de résidence (et de chez soi, la nuit) pour cinq autres, tandis qu’un prévenu est en liberté.
État donne le caractère unitaire, dans tous les stades jusqu’à maintenant, de cette enquête, la décision de « morceler » la procédure judiciaire en différents tronçons est une bizarre tentative politique de briser et de saper la solidarité, de diluer la mobilisation en défense de la presse anarchiste et même l’initiative des inculpés au procès. Une tentative d’arriver, pour ainsi dire en catimini, à une quelque condamnation qui puisse servir comme un précédent supplémentaire à utiliser à l’avenir contre les publications anarchistes et révolutionnaires et qui puisse en outre servir de mise en garde à l’encontre de ce qui reste de la presse « dissidente ». L’enjeu est l’existence de nos publications. Celles dont on nous accuse en cette occasion sont des infractions que votre justice elle-même définit explicitement comme des « délits d’opinion ». Par conséquent, le procès qui s’ouvre aujourd’hui est un procès objectivement politique, puisque on y discutera de la possibilité, pour les anarchistes, d’avoir des publications, surtout de la possibilité ou pas d’écrire ce que nous voulons et non pas ce qui nous est concédé par une censure réactionnaire.
Il y a plus encore. La décision de « séparer » partiellement un tronçon de procès, c’est-à-dire de nous en exclure, dans un premier temps – sans ordonner un non-lieu, mais, au contraire, pendant que les mesures de contrôle judiciaire à notre encontre se poursuivent – est scandaleux même selon les principes de votre justice. Certains des sujets qui seront discutés au tribunal de Massa à partir d’aujourd’hui ont un contenu, abstrait autant que concret, qui nous concerne et qui affectera notre position judiciaire, à l’avenir. Quand les membres de la police politique, qui ont étudié avec tellement de zèle les différents numéros du journal, défileront dans la salle du tribunal et fourniront leurs exégèses de Bezmotivy, nos avocats ne seront pas là pour les contre-interrogatoires et nous ne serons pas là pour faire d’éventuelles déclarations. Il en ira de même quand on discutera d’un article supposément écrit à plusieurs, par nous aussi. Sans parler des écoutes et de leurs transcriptions. La juge d’instruction qui s’est prêtée à ce petit jeu, en accueillant favorablement la requête de jugement immédiat présentée par le procureur seulement pour quatre inculpés, a même refusé de nous concéder la possibilité d’assister au procès (exception faite, évidemment, pour le compagnon qui est en liberté, pour qui ce problème ne se pose pas).
Au delà des technicismes, qui ne valent pas grand-chose, la substance est évidente pour quiconque : si le tribunal rendra un jugement sur le journal qui va contre nos intérêts, ou dans le cas d’affirmations à propos des différents textes, qui seraient jugés comme des « provocations aux crimes et délits », difficilement un procès futur pourra changer la donne. Que ce soit pour le lâche respect pour la décision prise par un collègue, que ce soit parce que le tribunal de Massa est assez petit pour qu’il y ait la possibilité qu’on passe à procès avec le même juge, qui, à moins d’être atteint de schizophrénie, ne changera certainement pas sa conviction.
Le seul espace qui nous restera pour une éventuelle défense technique sera de démontrer de n’avoir rien à voir avec le journal et ses textes, ce qui nous amènerait donc sur le voie de la désolidarisation. Si nous prenons la parole aujourd’hui, c’est surtout pour dire que nous ne ferons jamais ce choix. Qu’il soit bien claire que les opportunistes, les magouilleurs, les acrobates ne sont pas de ce côté-ci de la barricade.
D’ailleurs, nous sommes fermement convaincus qu’on ne peut faire aucune confiance aux tribunaux et à leurs serviteurs, qui, s’ils sont là pour garantir quelque chose, c’est uniquement pour garantir le principe d’autorité et l’oppression de classe. Cependant, assister à des telles acrobaties dans les procédures, pour arriver à frapper un journal anarchiste, nous fait vraiment penser que l’on est face à la descente aux enfers de la pensée libérale. Tant mieux, on a toujours apprécié la franchise.
Nous serons tout aussi francs. Les perquisitions, les arrestations, les mises en examen, le procès et même les acrobaties procédurales les plus dignes des Jeux olympiques ne suffiront pas à faire taire les anarchistes. Nous n’avons pas peur d’affirmer que nous sommes ennemis de l’État et du capital. Face à une société capitaliste qui ne peut laisser que de ruines, où la possibilité d’une guerre mondiale est toujours plus proche, une société qui a transformé notre planète en déchetterie, face à tout cela, les menaces de la répression sont vraiment peu de chose. C’est plutôt l’État qui craint les anarchistes, parce que les anarchistes sont une voix infatigable qui porte la nécessité d’en finir avec tout cela.
L’une des grandes richesses de l’anarchisme se trouve dans sa ténacité, dans l’élan projectuel constant et illimité, qui découle d’un profond désir de liberté. Notre persévérance dans l’agitation et dans la propagande anarchiste est et sera toujours une contribution à la lutte et une expression de cette ténacité.
Solidarité et complicité avec Gaia, Gino, Luigi et Paolo !
8 janvier 2024
Luca Aloisi, Michele Fabiani, Francesco Rota, Veronica Zegarelli
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Opération Scripta Scelera : des nouvelles du procès avec jugement immédiat. La prochaine audience aura lieu le 16 janvier
Le 9 janvier, au tribunal de Massa, a eu lieu, comme prévu, l’audience d’ouverture du procès avec jugement immédiat contre Gaia, Gino, Luigi et Paolo, qui sont aux arrestations domiciliaires avec toutes les restrictions, suite à l’opération Scripta Scelera du 8 août contre l’hebdomadaire anarchiste internationaliste Bezmotivny, qui a touché dix anarchistes, pour lesquels la Direction anti-mafia et anti-terrorisme du district de Gênes avait demandé la détention préventive.
Le procureur Manotti est arrivé après s’être fait attendre environs deux heures et l’audience a ainsi pu commencer. Une quarantaine de personnes solidaires a participé au rassemblement en solidarité avec les compagnons, qui sont arrivés au tribunal sous escorte policière.
Comme on l’avait écrit dans le texte précédent, à propos de la fixation du procès avec jugement immédiat, l’utilisation de cette procédure a été décidée suite à la requête du procureur, cautionnée par le juge d’instruction, de séparer partiellement les positions judiciaires des quatre compagnons, seulement en ce qui concerne les chefs d’inculpation de provocation aux crimes et délits et d’atteinte à l’honneur ou au prestige du président de la république. En ce qui concerne l’accusation en vertu de l’article 270 bis (association subversive avec finalité de terrorisme ou de renversement de l’ordre démocratique) le procureur a présenté un recours en Cassation contre l’ordonnance du tribunal des libertés de Gênes, qui, le 28 août, avait révoqué les mesures de contrôle judiciaire pour ce délit associatif, les laissant inchangées en qui concerne les autres accusations. L’audience en cassation a été récemment fixée pour le 21 février, à la Cour de cassation, à Rome.
Cette première audience du procès en jugement immédiat, ouverte au public, a été rapide. Il a été établi que le procès sera présidé par un juge unique (un choix insolite, qui pourrait être déclaré incompatible au principe de débat, puisque les délits avec la circonstance aggravante de la finalité de terrorisme prévoient habituellement une cour d’assises). Cet élément a été central au cours de l’audience et a rapidement porté à son renvoi. La juge a donc établi la prochaine audience après une semaine, mardi 16 janvier à 15 heures ; en cette occasion il n’y aura pas de débats, mais seulement la communication du nom du juge, qui pourrait être la même juge de la première audience ou un autre. Dans le cas qu’un autre juge soit nommé, il y aura un nouveau renvoi, vraisemblablement de quelques jours. Après ces passages techniques, ce juge unique pourra décider s’il est compétent en cette affaire ou s’il va transférer le procès contre les quatre compagnons à une cour d’assises.
Une deuxième question affrontée au cours de cette première audience a été la récente disposition qui veut que le transfert des compagnons au tribunal soit effectué sous escorte policière (ce qui n’avait pas été prévu au début). La juge a confirmé cette disposition, pour des raisons d’ordre public, du coup ils seront amenés de cette façon aussi lors de l’audience du 16 janvier.
Nous vous informons aussi du fait que, pour une compagnonne et un compagnon qui avaient l’interdiction de sortir de la commune de résidence et l’obligation de rester chez eux entre 19 heures et 7h, cette dernière obligation a été révoquée par une ordonnance du juge d’instruction du 22 décembre, tandis que l’interdiction de sortir de la commune a été confirmée.
Nous signalons, enfin, qu’en vue de l’audience du 9 janvier, quatre compagnons sous enquête, parmi ceux qui n’ont pas été soumis au jugement immédiat, ont écrit une déclaration visant à mettre en lumière la nature de cette procédure et de cet arrangement judiciaire : arriver au plus vite à une condamnation qui puisse servir d’ultérieur précédent judiciaire contre les publications anarchistes révolutionnaires, un avertissement pour ceux qui, en ces temps de guerre, osent soutenir une perspective internationaliste et révolutionnaire, contre tout État et toutes les guerres des patrons. En plus, il est évident que le choix de cette procédure seulement pour certains inculpés vise à empêcher l’expression de la solidarité entre les inculpés et surtout à mettre des entraves à la prise de parole de la part des compagnons au cours des audiences.
Pour ceux qui voudront être présents (la compagnonne et les compagnons qui passent à procès seront là eux aussi), la prochaine audience aura lieu mardi 16 janvier à 15 heures, au tribunal de Massa, place De Gasperi.
Le procès et les audiences liées à cette enquête, qui auront lieu dans les prochaines mois, ont des coûts, nous invitons donc à soutenir les compagnons en poursuivant les initiatives de soutien. Les coordonnées du compte pour le soutien financier sont :
IBAN : IT12R3608105138290233690253
Titulaire : Ilaria Ferrario
[Traduit et publié en français en https://attaque.noblogs.org/post/2024/01/09/italie-declaration-a-propos-du-debut-du-proces-avec-jugement-immediat/ & https://attaque.noblogs.org/post/2024/01/11/italie-operation-scripta-scelera-des-nouvelles-du-proces-avec-jugement-immediat/ | Publié en italien en https://lanemesi.noblogs.org/post/2024/01/08/dichiarazione-sullinizio-del-processo-con-giudizio-immediato-contro-quattro-anarchici-indagati-nelloperazione-scripta-scelera/ & https://lanemesi.noblogs.org/post/2024/01/11/operazione-scripta-scelera-aggiornamenti-sul-processo-con-giudizio-immediato-e-sulle-misure-cautelari-prossima-udienza-fissata-per-il-16-gennaio/]